Nombreuses ne retravailleront jamais.
Et pour celles qui reprennent le chemin de l’entreprise, la réintégration professionnelle après un diagnostic ou un traitement constitue un véritable défi qui s’ajoute à l’épreuve physique et mentale que représente déjà la maladie.
Gestion des séquelles physiques et psychologiques, pression de reprendre une activité professionnelle… Les femmes atteintes d’un cancer appréhendent souvent leur retour au travail. En cause : la difficulté d’en parler au sein de son entreprise et trouver un planning adapté – horaires, fonction, modalités spécifiques liées à certains emplois etc … Les entreprises ont encore aujourd’hui beaucoup de chemin à faire sur le terrain de l’accompagnement des salariées concernées. Comment mieux vivre son cancer ou son après-cancer au travail ?
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent, il reste aussi le plus meurtrier chez la femme. Selon les chiffres de l’OMS, il a provoqué 670 000 décès dans le monde, en 2022.Si le nombre de nouveaux cas a presque doublé entre 1990 et 2018, selon l’Institut du Cancer, sa progression est néammoins de plus en plus faible et le taux de survie s’accroît et sa mortalité diminue d’année en année.
Pour répondre à cette question, Terriennes s’est entretenue avec Florence Kabut, responsable de l’accompagnement au retour au travail au sein de l’association HOPE qui accueille des femmes atteintes d’un cancer, de l’annonce de la maladie jusqu’en post traitement lors de stages d’équithérapie et d’expression artistiques.
Du côté de la personne malade, évidemment, ça a été un tsunami. Donc reprendre un travail, pour certaines, c’est trop bien. Elles ont trop envie d’y retourner parce que c’était un travail qui avait du sens pour elles. (…) Pour d’autres, non. Florence Kabut, coach et membre de HOPE
Terriennes : parler du cancer du sein au sein de son entreprise, on a l’impression que c’est encore difficile et tabou …
Florence Kabut : Bien sûr, c’est un sujet qui reste tabou même dans la société. Et encore plus sur son lieu de travail où on est censé être performant, et être constamment motivé, en énergie. Évidemment que dans le travail, ça peut être compliqué. Cette employée va revenir après six mois, un an, des fois un an et demi d’arrêt. Et tout va bien se passer ! Non, c’est faux. Il y a tellement de choses qui ont changé. Déjà dans l’entreprise, évidemment, parce qu’on n’a pas attendu que cette personne revienne. Il y a des personnes qui ont beaucoup travaillé en attendant ce retour ou pas. Il y a des personnes qui se sont même dit super, je vais pouvoir prendre la place.
Et puis, du côté de la personne malade, évidemment, ça a été un tsunami. Donc reprendre un travail, pour certaines, c’est trop bien. Elles ont trop envie d’y retourner parce que c’était un travail qui avait du sens pour elles, qu’elles y étaient bien, qu’elles s’y sentaient en sécurité. Pour d’autres, c’est non, en fait, j’étais dans le faux, je n’étais pas dans un travail qui me convenait. Et peut-être que le cancer est venu me dire, là, il faut s’occuper de toi et peut-être repenser les choses et partir sur autre chose. Donc il faut aussi penser à la reconversion. En tous les cas, quand on a vécu un cancer, il est vrai qu’on a besoin de sens.
Parler du cancer, de suite, ça renvoie à la mort. Ça renvoie à la peur. Il y en a encore qui croient que c’est contagieux. Florence Kabut, membre de HOPE
Parler de son cancer au travail, toutes les malades ne font pas ce choix, pourquoi ?
ll y en a qui n’aiment pas, qui préfèrent ne rien dire. Car c’est déjà un fardeau. Parler du cancer, de suite, ça renvoie à la mort. Ça renvoie à la peur. Il y en a encore qui croient que c’est contagieux. Alors pas pour de vrai, mais on le sent dans leur attitude. Moi j’étais infirmière, des amies à moi infirmières n’ont pas été capables d’être là pendant la maladie, alors qu’elles soignent des personnes malades. Mais parce que c’était moi, ça leur renvoyait trop de choses difficiles. C’est violent. C’est très, très violent.
Moi je pense qu’il faut énormément parler, communiquer pour anticiper. On n’est pas dans la tête de l’autre. On ne sait pas ce que pense l’autre. On ne sait pas ce qu’attend de nous notre directeur ou notre collègue. Et la personne malade, qu’est-ce qu’elle attend ? Est-ce qu’elle veut revenir comme avant ? Est-ce que ça ne sera jamais comme avant ? On a changé. On a changé physiquement, psychologiquement.
Et puis on a toujours, quand même au début, mais encore maintenant, pour moi ça fait cinq ans, on a toujours cette petite appréhension de : est-ce qu’on va récidiver ? Florence Kabut, membre de HOPE
Comment ça s’est passé justement pour vous ?
Moi je me souviens, on m’avait dit il faut qu’on attaque à 50%. 50% ? Mais non, je vais bien, vous vous rendez compte, j’ai été en arrêt pendant deux ans, là c’est bon, je retourne travailler. Vous ne vous rendez pas compte, votre corps n’est pas prêt. Et effectivement, heureusement que j’ai repris à temps partiel, parce que vous êtes épuisée, parce qu’il faut reprendre un rythme, parce qu’avec la chimiothérapie vous avez des troubles cognitifs qui sont comme un brouillard mental, où en fait quand vous avez trop fait dans la journée, le soir c’est comme si votre cerveau vous mettait en sécurité, parce qu’à un moment donné, il faut redescendre. Et du coup, il faut écouter tous ces signaux-là. Et puis on a toujours, quand même au début, mais encore maintenant, pour moi ça fait cinq ans, on a toujours cette petite appréhension de : est-ce qu’on va récidiver ?
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Comment l’entreprise peut-elle se préparer ? C’est aussi une chance de retrouver une salariée qui a gagné un combat et qui est porteuse d’espoir…
C’est aussi une personne qui va être performante psychologiquement, parce qu’elle a vaincu quelque chose dans sa vie. Elle a dépassé, franchi une étape, et pas la moindre. Et puis on ne se rend pas compte de tout ce qu’on acquiert comme compétences avec la maladie. Très souvent, les femmes, elles le disent. J’aurais jamais pensé que j’étais capable de faire ça. Et on s’écoute. Je pense qu’avant, très souvent, on était plutôt à fond dans notre boulot, dans nos enfants. Mais par contre, on ne s’écoutait pas trop.
Donc là, on sait poser l’équilibre, on sait dire « non, ça, je ne peux plus, parce que ça n’a plus de sens pour moi, je ne peux plus, ça va me fatiguer ». Et en même temps, on a envie d’être dans les projets, on a cette soif, cette énergie-là de « on n’a plus de temps à perdre ». On a failli passer l’arme à gauche à un moment donné, la vie c’est maintenant. Et quand on a été bien accueillie, bien entourée, forcément, on a encore plus vite envie de retourner travailler.
Il faut pour cela pouvoir communiquer avec les personnes qu’il faut à son travail ?
Moi, quand j’ai repris le travail, j’ai une personne qui croyait plus en mes capacités que moi-même. Je ne la remercierai jamais assez. Parce que sans elle, je n’y serais pas retournée. Et quand je suis retournée travailler, un jour, ça devait faire une semaine que je travaillais, je lui ai dit « En fait, je ne peux pas. Je suis épuisée, mais tu ne te rends même pas compte.» Elle m’a dit « Si, si. Mais j’ai vu comme tu as travaillé. J’ai vu comme le personnel t’apprécie. Je sais, tu es faite pour ça. Sauf que là, tu es fatiguée. Tu es fatiguée parce qu’il y a longtemps que tu as été en arrêt. Donc là, c’est repos. Là, cet après-midi, tu rentres chez toi et tu reviens demain, voire même après-demain. » Moi, j’étais là, face à quelqu’un qui m’entend, qui m’écoute, qui prend en considération mes besoins. Je me suis dit « Waouh ! »
Et du coup, évidemment, vous faites ce qu’elle vous dit parce que déjà, vous en avez besoin. Et puis, le lendemain, vous êtes au boulot. Vous êtes au boulot parce que vous savez que vous êtes au bon endroit. Vous avez envie de donner le meilleur de vous-même parce que cette direction-là, elle est là aussi pour avancer avec vous. Et du coup, on se donne encore plus pour l’entreprise.
Tout le monde n’a pas votre parcours. Sur beaucoup de femmes qui ont été malades, d’après les enquêtes, il y en a beaucoup qui ne retravaillent pas. Comment on peut expliquer ça ? Comment le monde de l’emploi peut-être aussi être peu accueillant pour les femmes qui ont été malades ?
Peut-être qu’au départ aussi, le monde de l’emploi est déjà un petit peu malade ? Je pense qu’il y a aussi ça. On a souvent ce sentiment d’être un numéro. Quand on a besoin de vous, c’est super. Mais quand on n’a plus besoin de vous, on sait vous mettre au placard. C’est une réalité.
C’est triste à dire, mais c’est la réalité. Mon cancer m’a sauvée. Il est venu me dire, la priorité, c’est toi. Florence Kabut, membre de HOPE
Moi, j’ai bossé à l’hôpital pendant 15 ans. J’ai pris une disponibilité pour créer une crèche. Et dans cette crèche, j’ai été victime de harcèlement moral. J’ai fait un burn out, une dépression réactionnelle avec des envies suicidaires. J’étais vraiment au fond du gouffre. Et mon cancer est arrivé quand on m’a licenciée pour insuffisance professionnelle. Du jour au lendemain, vous êtes en arrêt maladie et on vous licencie pour insuffisance professionnelle. La loi dit que ce n’est pas vrai. On ne peut pas faire ça. Sauf que moi, je l’ai vécu.
J’étais comme une malpropre parce que j’avais dénoncé ce harceleur. J’avais dénoncé le problème, je devenais le problème. Du coup, votre cancer arrive. C’est triste à dire, mais c’est la réalité. Mon cancer m’a sauvée. C’est-à-dire que mon cancer est venu remettre l’église au milieu du village. Il est venu me dire, la priorité, c’est toi.
Il y a le combat contre la maladie, mais il y a aussi le combat administratif …
J’ai voulu reprendre le travail, retourner à l’hôpital, j’y avais quand même bossé 15 ans, de nuit – d’ailleurs on dit que le travail de nuit favorise les cancers – mais, là, on me dit, écoutez, avec vos séquelles, ça va être compliqué, parce que j’avais des tendinites à répétition à cause de l’hormonothérapie, je n’étais plus capable de porter un bébé. J’étais infirmière puéricultrice, comment pouvez-vous faire votre travail sans porter un bébé ? On me dit, écoutez, non, on ne va pas pouvoir vous reprendre tout de suite. Ça va mettre six mois avant de pouvoir faire le dossier. On n’est pas sûr de vous réintégrer. Pendant six mois, de toute façon, vous n’allez pas être payée. Donc, si vous pouvez attendre six mois, ou sinon, inscrivez-vous à Pôle emploi. Donc, d’un côté, vous avez été virée. De l’autre, on ne vous reprend pas. C’est vraiment la double peine, quoi.
Et j’ai même eu la triple peine quand je suis arrivée à Pôle emploi, on m’a dit, mais Madame, vous êtes malade. Vous ne pouvez pas toucher des indemnités de Pôle emploi. Donc là, vous n’êtes jamais dans la bonne case. Honnêtement, je me suis dit, à quoi ça a servi de me battre contre le cancer ?
Et pourtant vous avez relevé le défi …
Je me suis dit, maintenant, je vais créer mon entreprise. Et là, on me dit, mais t’es dingue, mais si tu récidives ? Je suis porteuse du gène BRCA2 qui favorise les cancers du sein. Je sais que j’avais cette probabilité d’en refaire un ou de récidiver. Mais la vie, c’est maintenant. Je ne vais pas attendre. Là, j’ai besoin de travailler pour moi, d’avoir mes horaires. Le sport est extrêmement important. Ok, mais alors comment fait-on pour continuer le sport quand on reprend un travail salarié, pour prendre soin de soi ? Comment adapter nos horaires ? On sait que la médecine du travail n’est pas toujours super opérationnelle et que l’entreprise n’est pas toujours ultra accueillante. Il y a des personnes qui se sont fait mettre au placard. C’est hyper violent.
Donc, moi, j’ai décidé de prendre les choses en main et créer ma société. Et maintenant, je suis coach de vie.
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C’est ce que vous faites justement lors de ces ateliers organisés par l’association Hope qui accueillent des femmes atteintes de cancer ou qui sont en rémission.
Toutes sont les bienvenues. À l’association HOPE, on organise des journées découvertes ou des séjours où on accueille des femmes gratuitement. Elles sont douze. Elles ne se connaissent pas. Elles arrivent de toute la France. Et elles vont vivre 5 jours un peu comme à la maison. C’est-à-dire qu’on les accueille dans la maison HOPE et on prend soin d’elles. Tout le monde est là pour les soutenir au moment du petit craquage. On rit, on pleure dans cette maison.
Moi, je suis arrivée chez Hope, j’avais peur des chevaux ! Grâce à cette équipe bienveillante, on se sent OK pour s’approcher de ce cheval. Et à côté de ce cheval, on peut tout poser. Florence Kabut, membre de HOPE
Et puis, on a surtout plein d’activités. C’est de l’art-thérapie. Ça peut être des ateliers peinture, chant, danse, pour revenir au corps, pour se refaire confiance, pour lâcher prise. Le lâcher prise, ce mot, il est peut-être à la mode, mais il est tellement difficile à trouver, à atteindre. Et on arrive à l’atteindre très facilement grâce aux chevaux. L’équithérapie, c’est vraiment la connexion au cheval. Moi, je suis arrivée chez HOPE, j’avais peur des chevaux ! Grâce à l’équipe bienveillante, on se sent ok pour s’approcher de ce cheval. Et à côté de lui, on peut enfin tout poser. On peut se permettre de tout lâcher.
Cet article a été prélevé d’internet par la rédaction de acvg-chalons.fr pour la bonne raison que ce dernier figurait dans les colonnes d’un blog dédié au thème « Ancien Combattants de Chalons-en-Champagne ». Cette chronique a été générée de la manière la plus complète que possible. Pour émettre des observations sur ce dossier autour du sujet « Ancien Combattants de Chalons-en-Champagne », merci de contacter les contacts indiqués sur notre site web. acvg-chalons.fr est une plateforme numérique qui compile de nombreux posts publiés sur le web dont la thématique principale est « Ancien Combattants de Chalons-en-Champagne ». En visitant de manière régulière nos pages de blog vous serez informé des futures annonces.