On minimise, « moins touchés qu’ailleurs », on veut passer à autre chose. Circulez, y’a rien à voir. Le ton est cordial, c’est en substance le discours du cabinet du maire, Benoist Apparu. Nous avons donc circulé… et il y avait à voir.
Les émeutes ont laissé des traces. Quelques semaines après, tous en parlent volontiers. Pour Valentin, 22 ans, c’est avec légèreté. Il recommande des vidéos Snapchat, taxe une clope, s’est fait voler la veille sa sacoche au parc du Grand Jard, avec près de 500 euros en liquide. Porter plainte ? « Ça sert à rien. » Il est allé « faire » les émeutes à Reims, y a tiré des feux d’artifice, mais en l’air. Il partage la colère, mais ne cautionne pas les violences.
Le ton est plus grave chez Valérie, gérante du Saint-Claude : « C’était l’apocalypse. » Elle revit ce « traumatisme » avec une émotion volubile. L’alarme à minuit, la ruée vers son tabac-presse, les casseurs déjà repartis, la stupeur devant les pilleurs, « l’envie de pleurer » en reconnaissant parmi eux quelques clients, sa fille de 15 ans restée à la maison terrorisée, la police qui tarde… Comment dormir ensuite ? Vont-ils revenir ? Son affaire, qu’elle tient depuis 2009 avec son compagnon, « c’est toute notre vie ». Pourquoi dévaster ce commerce, repère du quartier Schmit peu doté ? « On n’a pas compris. » Ils n’avaient connu jusqu’alors que des incidents isolés. Experts, assurances, c’est désormais un parcours du combattant. « Je n’excuse rien du tout », lâche-t-elle, c’est « trop dur à avaler ».Même « mal au ventre » chez Idéal Shop en centre-ville, où l’on vend un peu de tout, et où il ne s’était «jamais rien passé ». L’évocation du pillage bouleverse la vendeuse. La vitrine vient d’être remplacée. En face, une rhumerie a été relativement épargnée, quelques impacts seulement, encore colmatés par des panneaux de bois. Le patron antillais, installé depuis trois ans, connaissait certains émeutiers, dont il « comprend un peu » la rage, sans approuver les actes.
Dans le quartier Émile Schmit, on a eu « très peur ». Les grands-parents d’Andrew*, 18 ans, n’ont fait qu’entendre le vacarme. Lui qui s’est engagé dans l’armée l’an dernier a vu dans le centre les échanges de tirs avec la police : «C’était n’importe quoi. » Son copain de skate-park souffle que les émeutiers « ont des porte-parole, pour ce qu’il faut dire… et ne pas dire ». En effet, au pied des barres, les jeunes attroupés rechignent à parler : leur « ambassadeur » n’est pas là. Pour Malik, « en France, il y a trop de tabous ». Lui n’en a pas tellement, et fait mûr pour ses 20 ans. Il a grandi « à Schmit », n’y habite plus, décrit les autres quartiers sensibles, Verbeau, la Bidée, sa géographie des intimidations ordinaires, des trafics, parfois des faits divers. S’il ne dépeint pas un enfer, il dit vivre « sur ses gardes ». Il est arrimé à l’éducation solide d’un père rudoyé par la vie, dos cassé dans le bâtiment, qui les a élevés seul, son frère autiste et lui – sa mère a fait des séjours en prison. Malik a souffert dans un collège catholique, du système scolaire « et des discriminations ». Débrouillard en informatique, il n’a pas encore trouvé sa voie, relate les galères de formations, ses déconvenues dans la restauration… De culture musulmane, il ne pratique pas, loin des « faux bons musulmans qui fument des joints ». Sa copine Océane est vendeuse ; baptisée mais athée, elle est d’ici aussi. Ils paraissent assez lucides, fatalistes mais pas résignés. Malik tacle le maire, n’est pas tendre avec les émeutiers, déplore les dégâts, mais a aussi une dent contre «les abus des policiers». Il suggère même que les commissariats auraient dû être ciblés. Il pointe du doigt les populations arrivées ces dernières années « du 9-3, du 9-1 » et qui « font leur loi » dans son ancien quartier. Un diagnostic que rejoint Valérie, lassée des nuisances : « Avec une autre population qui arrive dans le quartier, les gens honnêtes, qui travaillent, le quittent. »
Schmit, « c’était déjà triste, mais maintenant »… Marie, auxiliaire de vie, papote dehors avec sa complice Valérie, nounou qui garde un œil sur les déambulations à vélo d’un petit… Naël. Elles vivent ici depuis des lustres – « 33 ans ! », clame Valérie –, sont « dégoûtées ». « Ils ont le droit de tout casser », s’indigne Marie. Valérie explique les précautions pour cohabiter avec les bandes, toutes proches mais si loin. Comment est-on passé d’un quartier où il faisait bon vivre à « des enfants qui jouent autour d’un camion brûlé » ? L’éducation, les parents qui « baissent les bras », « car la vie est plus dure, aussi »… Les confinements, pourtant observés avec légèreté ici, ont peut-être aussi pesé : « Les gens sont devenus plus durs, agressifs, égoïstes. » « Stressés » aussi, abonde la buraliste.
Une voiture de police passe. Valérie et Marie lèvent les yeux au ciel et rient amèrement : « Alors eux… Ils ne servent vraiment à rien ! » À la pharmacie d’à côté, la jeune préparatrice déplore le silence de la mairie, «à se demander si pour eux le quartier existe encore ». Les bandes qui traînaient devant se sont éloignées dernièrement, mais les personnes âgées ont toujours peur de venir seules. Les voisins, des boulangers pakistanais, ont installé une caméra, sans trop y croire.
« On est quand même aidés, il faut le dire. » Outre les chaleureux soutiens qui affluent de ses clients, familiers ou non, Valérie salue le travail des administrations, prévenantes pour son établissement sinistré. Elle a aussi apprécié son entretien franc avec le maire, Benoist Apparu, qui l’a assuré de son soutien. « C’est bien, mais c’est quand même de leur faute ! », rappelle-t-elle, tenant les politiques pour responsables de sa « vulnérabilité ». Son compagnon l’avait pressenti : « Un jour, il va nous arriver quelque chose. »
La rénovation tant annoncée des « quartiers » ? À la pharmacie, on est sceptique. La patronne du tabac espère, mais « ça prendra dix ans », craint-elle, alors qu’elle a averti le maire, « encore deux ans, et vous ne pourrez même plus y entrer. » Elle rouvrira pourtant en septembre. L’autre Valérie, la nounou, ne s’imagine pas quitter « son » quartier Schmit. Marie non plus : « De toute façon, ailleurs ce serait pareil. Ou pire ! » Malik et Océane doivent s’installer ensemble. En conjuguant lucidité et confiance, les Châlonnais s’inspirent peut-être d’un trait de Pierre Dac, enfant de la ville, humoriste et résistant : « Ce n’est pas en tournant le dos aux choses qu’on leur fait face. »
Cet article a été prélevé d’internet par la rédaction de acvg-chalons.fr pour la bonne raison que ce dernier figurait dans les colonnes d’un blog dédié au thème « Ancien Combattants de Chalons-en-Champagne ». Cette chronique a été générée de la manière la plus complète que possible. Pour émettre des observations sur ce dossier autour du sujet « Ancien Combattants de Chalons-en-Champagne », merci de contacter les contacts indiqués sur notre site web. acvg-chalons.fr est une plateforme numérique qui compile de nombreux posts publiés sur le web dont la thématique principale est « Ancien Combattants de Chalons-en-Champagne ». En visitant de manière régulière nos pages de blog vous serez informé des futures annonces.